Rejet au mérite d’une action collective : le premier jugement au Québec et au Canada en matière de vie privée

La Cour supérieure a récemment rendu un jugement-clé en matière de perte de renseignements personnels dans Lamoureux c. OCRCVM, 2021 QCCS 1093. La cour rejette entièrement l’action collective du demandeur Danny Lamoureux dans le premier jugement rendu au stade du mérite en matière de perte de renseignements personnels au Québec et au Canada.

Les faits en bref

Un inspecteur de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (« OCRCVM ») oublie son ordinateur portable dans le train. Cet ordinateur égaré contenait certaines informations personnelles d’individus recueillies auprès des courtiers en valeurs mobilières faisant l’objet d’une inspection.

M. Lamoureux intente une action collective, autorisée en octobre 2017. Il plaide avoir été victime d’un vol de ses informations personnelles.

Analyse

La Cour rejette l’action collective dans son entièreté, faute de preuve prépondérante de toutes les composantes de la responsabilité civile. La cour notamment observe que :

· Les inconvénients normaux de la vie en société ne sont pas indemnisables : la juge confirme que les simples craintes, désagréments, stress et inquiétudes vécus par les membres du groupe en lien avec la perte de leurs informations personnelles (surveillance des comptes, démarches auprès d’agences de crédit, honte ressentie) sont des « inconvénients normaux que toute personne vivant en société rencontre et devrait être tenue d’accepter ». Par conséquent, le seuil minimal d’un dommage moral indemnisable n’est pas franchi.

· Services de protection du crédit offerts gratuitement : l’OCRCVM a fourni gratuitement toutes les mesures de protection nécessaires via des agences de crédit.

· Absence de preuve d’utilisation malveillante des données.

· La conduite diligente de l’OCRCVM fait obstacle aux dommages punitifs.

À mon avis, l’action collective n’est pas un outil le plus efficace en matière de protection de la vie privée. Cependant, ni la loi fédérale, ni la loi provinciale québécoise offrent aux citoyens des moyens de protection appropriés vue le niveau de risques existants de fuite des données dans la société d’aujourd’hui.

Dans ce sens, le jugement peut être considéré comme un prologue à un droit de l’action privée qui est prévu dans le projet de loi 64 ainsi que les pénalités administratives qui y prévues.

Un point intéressant : la cour met l’accent sur le fait que l’OCRCVM a eu une réponse corporative jugée adéquate dans un contexte où de plus en plus d’actions collectives sont intentées à la suite de pertes ou vols de données personnelles. Dans cette affaire, l’OCRCVM avait notamment :

· Procédé à des enquêtes et vérifications internes exhaustives ;

· Informé promptement la police de la perte de l’ordinateur portable ;

· Retenu dans les plus bref délais les services d’une cabinet de consultants pour élaborer une stratégie pour la gestion des risques et obligations liés à la perte de renseignements personnels (« privacy risk management ») ;

· Avisé les commissariats de protection de la vie privé concernés de la perte ;

· Publié un communiqué de presse annonçant la perte de l’ordinateur ;

· Informé les membres qu’elle n’est au courant d’aucun vol d’identité etc.

Ce volet du jugement fait pressentir la disposition du projet de loi fédérale C-11 qui porte sur la défense de diligence raisonnable. Sources: Jugement-clé concernant la perte de renseignements personnels | BLG Au-delà de l’autorisation: Le flou autour des actions collectives en matière de protection de la vie : Clyde & Co Uber : Un tribunal albertain refuse d’autoriser une action collective en matière d’atteinte à la vie | Blakes CanLII Connecte – La Cour supérieure du Québec autorise une action collective à la suite d’un bris de sécurité dans l’affaire Zuckerman c. Target Corporation (canliiconnects.org)

Ce contenu a été mis à jour le 29 avril 2021 à 17 h 57 min.

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