PFIZER S’APPROVISIONNE EN DONNÉES
Le 6 janvier 2021, une entente est intervenue entre les autorités israéliennes et l’entreprise biopharmaceutique Pfizer. Cet arrangement stipule que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, consent à donner des données médicales privées sur sa population en échange de nombreuses doses du vaccin Pfizer-BioNTech contre la COVID-19. De quelles données s’agit-il? À quelles fins ces données seront-elles utilisées? Plusieurs questionnements demeurent toujours sans réponse, puisque la version de l’accord mise à la disposition du public1 par les autorités israéliennes le 17 janvier 2021 présentent des clauses volontairement dissimulées. Ce manque de transparence soulève plusieurs problématiques quant à la légitimité de la transaction.
Afin de recueillir un nombre incalculable de données numériques, le gouvernement israélien surveille depuis quelque temps l’état de santé de sa population à l’aide d’outils technologiques tels que des applications numériques, des caméras thermiques et des systèmes de reconnaissance faciale. Les citoyens doivent également s’inscrire à l’un des organismes de maintien de la santé (HMO) actifs en Israël.
Pourquoi un tel partage de données à Pfizer n’a pas fait l’objet de débats publics? La transmission de renseignements médicaux par les autorités israéliennes sans l’obtention de consentement constitue une ingérence à la vie privée. Pourtant, la protection des données personnelles est régie par plusieurs lois israéliennes.2 D’autant plus que l’Israël, membre de l’Accord sur le Commerce des Services (ACS), prône certains principes relatifs à l’équité dans le traitement de l’information tels que la détermination des fins de la collecte de données, la limitation de la collecte à ces fins, le consentement libre et éclairé des individus concernés et la transparence en lien avec le traitement et le partage des données.
En ce qui a trait au transfert de données personnelles israéliennes à l’étranger, le Règlement sur la protection de la vie privée1 trouve application. En vertu de cette réglementation, les données personnelles doivent être transférées que dans certains cas spécifiques, notamment si les lois du pays vers lequel les données sont transférées assurent un niveau de protection égal ou supérieur au niveau de protection des données prévu par la loi israélienne, si la personne concernée a consenti au transfert ou si le transfert des données est vital pour la sécurité ou la sûreté publique.
Pour l’instant, en raison de l’information dissimulée dans certaines clauses de l’Entente, il s’avère difficile de se positionner quant au bien-fondé des actions posées. Toutefois, pour les raisons énumérées précédemment, l’Entente et les questionnements soulevés seront probablement analysés par la Cour suprême d’Israël. Si elle en venait à la conclusion que les autorités israéliennes n’ont pas agi conformément à la législation, le gouvernement devra démontrer, selon le principe de la proportionnalité, qu’il était approprié et nécessaire de divulguer les dossiers médicaux de sa population et de faire abstraction à certains principes relatifs à la vie privée afin de contribuer à l’avancée scientifique mondiale pour combattre le coronavirus. Cependant, est-ce que le bien-être collectif a réellement été considéré dans la prise de décisions? Comment être certains que celles-ci n’ont pas plutôt été motivées par des desseins économiques et politiques?
Ce contenu a été mis à jour le 14 mars 2021 à 20 h 06 min.
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